Contribution au forum sur l’éducation au Mali

[i]Cette contribution portera sur les points suivants :

1.      Le recrutement et la qualification de l’encadrement du système ;

2.      Les écoles d’application et leurs ressources humaines ;

3.      Enseignement technique et formation professionnelle ;

4.      Les propositions en vue d’améliorer la formation professionnelle.

1.      Recrutement et qualification de l’encadrement du système

Enseignants de l’Université :

A la création de l’université du Mali les autorités sous l’impulsion des syndicats des enseignants du supérieur ont adopté la hiérarchisation qui a permis de répartir le corps professoral en assistants, maîtres assistants,  maîtres de conférences et professeurs. Cette hiérarchisation s’imposait d’ailleurs du fait des exigences de gestion d’une université et de ses relations avec l’extérieur. Elle a certainement contribué à valoriser l’université sur le plan formel. Cependant il nous a semblé que la démarche du fait qu’elle avait un caractère transitoire constitue en elle-même un blocage pour les progrès souhaités du système. La règle la plus respectée dans la démarche a été le nombre d’années effectué au Mali après l’obtention du doctorat. Cette règle ferme automatiquement la porte à des nouveaux arrivants. En effet l’accès à des postes de maître assistant, maître de conférences ou professeur reste réservé à des fonctionnaires.

Pour permettre l’accès à ces postes à des maliens et des non maliens compétents ils doivent être attractifs. Il n’est pas question de remettre en cause la hiérarchisation mais le système a besoin des ressources humaines compétentes dans le temps et il doit assurer les possibilités de renouvellement de ses ressources humaines. Aucun système universitaire ne peut être viable si ces deux exigences ne sont pas remplies. Il est donc nécessaire de mettre en place un dispositif permanent d’appel à candidatures et de mise en place des conditions incitatives. Les personnes recrutées dans ces conditions peuvent ne pas accéder à des postes administratifs de l’université. Le dispositif permanent permet d’intégrer sans frustration les nombreuses compétences du pays dans le système universitaire. Il s’agit de prendre en compte des critères autres que le nombre d’années dans la hiérarchisation. Dans les grandes écoles européennes on peut être professeur sans avoir un doctorat sur la base des travaux réalisés et des compétences avérées de la personne.

Les contractuels ne sont pas pris en charge dans cette procédure de hiérarchisation. Le terme contractuel est ici utilisé dans son sens global. Il ne s’agit pas des corps récemment créés à l’éducation nationale.

Une des préoccupations importantes du forum devrait être les conditions de recrutement des enseignants de qualité et la prise en charge du financement de la formation supérieure (avec une distinction à faire entre les écoles d’application et l’université).

·         L’université, les grandes écoles et le personnel enseignant : Une des raisons non écrites de la création de l’université était l’engorgement des écoles qui ne permettaient pas de faire de la formation de qualité. A l’heure actuelle il se pose le manque de professeurs de qualité. En effet devant les effectifs et le manque d’emplois les portes de l’université ont été ouvertes à tous les maliens qui ont pu présenter des diplômes de doctorat. Et ces recrutements qui devraient passer par les professeurs (recrutés il est vrai plus ou moins de la même manière) nouvellement hiérarchisés semblent se faire par simple système administratif. Le recrutement d’un assistant à l’université devrait nécessairement se faire sous la responsabilité du professeur titulaire. On ne met pas à disposition d’un professeur un assistant. Ce n’est ni bon pour le professeur ni pour l’assistant.

·         Les grandes écoles doivent continuer à exister et cela de façon autonome et ce sont ces écoles qui doivent être ouvertes aux nombreux professionnels qui de façon souvent non maîtrisée suivent les cours à l’université. Les frais de scolarité pour une école comme l’ENI sont inférieurs aux frais de scolarité d’une école privée de bureautique au nom de l’Etat et de sa subvention. Ce sont ces frais de scolarité qui doivent être revus en intégrant tous les éléments nécessaires à une gestion de qualité de la formation dans les écoles d’application. Il est tout à fait normal que des conditions soient définies pour que l’Etat prenne en charge certains élèves méritants et ceux qui sont de condition sociales modestes. Les professionnels du secteur privé et para public payeront les frais ainsi évalués. Les fonctionnaires payeront aussi les frais de scolarité via leur employeur notamment la fonction publique qui dispose d’un budget à cet effet.

 

Inspecteurs ou Directeurs de CAP :

Il s’agit d’un maillon essentiel dans le dispositif d’animation et de contrôle. Le mode de recrutement doit inclure toutes les missions que l’inspecteur est appelé à exercer. Le pédagogue, le responsable des ressources humaines de sa circonscription et l’animateur du système éducatif de la zone.

Depuis quelques années c’est une fonction qui a été malheureusement très occupée par des politiques ou tout au moins la fonction de par son importance se trouve prise dans le piège des politiques. Pour mettre fin à cette situation il est nécessaire de mettre en avant la technicité dans le recrutement des inspecteurs. La proposition suivante pourrait être testée :

1.      Un concours de base (le contenu doit être défini par les professionnels de l’éducation habilités à la faire) est organisé pour faire la présélection ;

2.      Après cette présélection on fait des tests d’entretien de comportement (mise en situation professionnelle) et de personnalité ;

3.      Les personnes sélectionnées sont mises en formation et des affectations définitives leur sont trouvées après le retour de formation sous réserve de satisfaction de l’organisme de formation.

Directeurs des institutions de formation :

L’Etat doit s’affirmer la nomination des directeurs des institutions publiques qu’il a créées et faire en sorte que les postes de directions soient occupés par des hauts fonctionnaires dont le parcours professionnel doit être mis en avant. Il ne s’agit pas de se référer à l’âge de la personne, il s’agit des personnes qui de par leurs actions connues forcent le respect et l’admiration des personnes qu’elles sont amenées à diriger. Il est évident que « M. Haidara » qui est l’auteur d’un livre connu ferait meilleur directeur que « Guindo » qui n’a rien à son actif. Les publications scientifiques (ou les travaux reconnus) doivent, là également comme dans le cas de l’accès aux différents corps de l’université et des grandes écoles, être prises en compte dans la prise de décision. A titre indicatif un ancien Ministre de l’éducation ou ancien secrétaire général pourrait très bien assumer un poste de Directeur. Il s’agit de faire en sorte que ces personnes aient les motivations nécessaires pour diriger ces écoles. Ces motivations ne peuvent que provenir que de l’Etat par la mise en place d’un système d’accompagnement des écoles.

Directeurs d’académie :

Aucun directeur d’académie ne doit être un anonyme. La fonction doit nécessairement être exercée par un enseignant de renom et doit avoir été enseignant au mois dans une des écoles de formation de maître ou avoir été directeur de CAP. Il y a bien entendu d’autres conditions qui sont écrites mais il y a celles là qui nous paraissent importantes à prendre en compte.

2.      Les écoles d’application et leurs ressources humaines

A la création de l’Université deux tendances se dégageaient : le groupe de personnes qui voulait asseoir l’université sur l’existant (les grandes écoles) et le groupe qui voulait séparer les deux systèmes. 6 ans après la création de l’Université il a été décidé de séparer les deux systèmes. Ce qui est une bonne chose mais aucune mesure d’accompagnement n’a été faite ne serait ce que sur le plan de la clarification ; les grandes écoles devaient être attractives par les conditions qu’elles offrent aux meilleurs de l’Université. Dans le cas de l’Ecole Nationale d’Ingénieurs (dans laquelle on pouvait ouvrir plusieurs filières) le concours doit être organisé à des dates bien maîtrisées et ouvert à tous les maliens y compris ceux inscrits dans les universités étrangères avec des critères pré établis. A l’heure actuelle l’ENI ne reçoit pas forcément les meilleurs élèves de la faculté des sciences en raison de la non mise en place des conditions attractives. Il pourrait s’agir des conditions de bourse spécifiques pour les élèves ingénieurs, des possibilités de mise en situation professionnelle voire des opportunités d’emplois organisées par l’Etat pour satisfaire les meilleurs de l’Université.

L’Ecole normale supérieure doit être le passage obligé pour former les inspecteurs d’enseignement fondamental (Directeur de CAP),

Les ressources humaines des écoles d’application : Les écoles d’application doivent avoir plus de 50% de professionnels dans le corps professoral. Il s’agit de faire en sorte que les ressources humaines compétentes participent à la formation des hommes. Rien ne s’oppose à cela mais le blocage réside dans le manque de motivation. On ne peut demander à un professionnel de laisser son travail pour venir travailler gratuitement pour le bien des jeunes maliens. En effet un professionnel qui quitte son bureau pour venir donner un cours est payé à 2000 FCFA l’heure dans les meilleurs des cas. Si on considère que le temps de déplacement moyen à Bamako est de 45 mn pour environ 15 km et que le prix au km d’un véhicule est d’environ 400 FCFA. Pour un cours de deux heures, le temps hors préparation revient à 3 heures 30. Les frais de déplacement coûtent 1200 FCFA. Si nous maintenons le tarif officiel ce professionnel aura dépensé : 2000 x 3,5 + 1200 = 8200 FCFA. L’Etat va lui payer à la fin de sa prestation 4000 FCFA. Dans trois pays voisins qui sont moins dotés que le Mali tout intervenant de l’Ecole d’application aura touché pour les deux heures d’intervention 20 000 FCFA.

3.      Enseignement technique et formation professionnelle :

Il s’agit ici de faire la distinction entre l’enseignement technique et la formation professionnelle. L’enseignement technique est destiné à préparer des jeunes à occuper certains emplois s’il le désire mais à être en mesure de poursuivre des études supérieures s’ils le désirent. La grande majorité des écoles de formation professionnelle au regard de leur volume horaire en mathématiques, Français, langues, sciences physiques font de l’enseignement technique.

Pour une véritable formation professionnelle les contenus doivent être basés à 90% sur les besoins du métier à exercer. Nous n’avons plus de personnes pour travailler efficacement dans l’agriculture, l’élevage et le maraichage et transformer ces secteurs. Ils sont menés par ceux qui n’ont pas quitté le village mais qui de part leur connaissance ancestrale ne peuvent transformer ces activités. Je me permets d’inviter les personnes en charge de la formation professionnelle de visiter le centre songhoi de Porto novo (Bénin) qui forme pour l’agriculture on y trouvera aucun professeur de Maths ni de français mais on n’y trouvera que des spécialistes de chèvres, de moutons de riz, etc……

Notre système de formation professionnelle est entièrement géré par des enseignants de métier souvent sortis de l’ENSUP ou de l’ECICA qui ne sont pas allés dans l’industrie ou dans la production pour une raison ou une autre et sont restés dans l’enseignement pour être des répétiteurs d’un enseignement qu’ils ont eux-mêmes reçus dans de mauvaises conditions.

L’organisation de la formation actuelle reste encore dominée par les structures de l’Etat tant en terme d’identification des besoins qu’en terme d’offres de formation.

La formation professionnelle pour des raisons évidentes de coût reste un maillon très faible du système éducatif. En prenant le cas du secteur du BTP trois écoles sont les pionnières sans pour autant répondre véritablement aux besoins du secteur. Il s’agit du centre de formation professionnelle (maçons, menuisiers, électriciens), de l’ECICA (Dessin bâtiments, Hydraulique, TP) et le cycle récent de techniciens supérieurs de l’ENI. Si le centre de formation professionnelle a réussi à mettre sur le marché des maçons mais très orientés sur des fonctions de gestion de chantier (peu de véritables maçons), l’ECICA a donné très peu de conducteurs des travaux de renom. Nombreux sont partis dans l’administration publique pour occuper des postes de chef de section.

Il aurait fallu que ces formations partent des besoins du secteur qui sont liés aux réalisations, à l’organisation et aux préparations des offres.

Les formations actuelles souffrent de l’absence de participation des professionnels dans la définition de leur contenu. Quand on forme pour l’industrie ou le secteur du BTP les entreprises de ces secteurs devraient être partie prenante dans la définition des programmes. Il y a des démarches timides qui se font mais restent confrontées à un problème de formalisation et de contrôle de la mise en œuvre des mesures préconisées. Tout enseignant ne dispense que les connaissances qu’il maîtrise. C’est ainsi que des écoles professionnelles de secrétariat continue à perdre beaucoup de temps dans l’enseignement de la dactylographie et la sténéo jusqu’à un passé récent à l’heure de l’informatique et des multi médias. Les opérateurs de saisie gagnent plus de temps par la maîtrise de la lecture et de la langue que par la rapidité en dactylographie.

Il est indispensable d’associer les employeurs à l’identification et à la validation des actions de formation de leur secteur.

4.      Les propositions en vue d’améliorer la formation professionnelle :

·         Développer des méthodes pédagogiques comme l’approche par les compétences qui partent de la situation de travail pour définir le contenu ; ces méthodes vont exclure de l’enseignement toutes les ressources humaines non compétences pour assurer certains enseignements. Il faut éviter de prendre l’enseignement comme une occupation d’une classe ; quand on arrive dans une classe c’est pour transmettre des connaissances et participer à la maîtrise d’un métier.

·         Développer les relations structures de formation et employeurs en y intégrant une culture de professionnalisation des emplois ;

·         Favoriser la création des centres d’information pour les jeunes sur la création d’entreprises et sur les métiers de tous les secteurs et les rendre accessibles dans tous les cercles du Mali avec une base des données nationales ;

·         Intégrer dans la définition des contenus les professionnels du secteur concerné ;

·         Les faire participer au contrôle périodique des contenus effectivement réalisés au-delà du jugement qu’ils pourront avoir sur le futur employé ;

·          Prendre les dispositions réglementaires et des conditions attractives permettant l’utilisation des professionnels dans l’enseignement

·         Réduire le chômage des jeunes par la création d’un nombre important de structures de formations qualifiantes.

·         Renforcer les capacités des structures de formation à la fois en termes d’équipements pédagogiques que de ressources humaines ;

·         Valoriser les emplois ruraux et prévoir des actions de formation professionnelle pour certains d’entre eux.



[i] Chacune des idées exprimées ici mérite un traitement pour tenir compte de son niveau de mise en œuvre actuelle.